Winehouse et Cobain: quand les femmes sont des junkies, les hommes sont des génies perturbés

Quand l’un est un génie perturbé, l’autre est une alcoolique dégénérée. Ainsi pourrait-on résumer la différence de traitement médiatique des artistes, entre hommes et femmes, selon l’analyse de Pitchfork.

La preuve en est avec les deux derniers biopics de cette année : Montage of Heck, de Brett Morgan (sorti en mai) qui retrace le succès de Kurt Cobain, et Amy de Asif Kapadia (présenté au festival de Cannes), qui tire le portrait de la sulfureuse Amy Winehouse.

Alors que Brett Morgan présente le maître du grunge comme un “homme dont l’addiction à la drogue n’est qu’un incident de son talent suprême”.Kapadia insiste sur la période de décadence de la chanteuse, les photos dégradantes dans les tabloïds et son dernier concert en Serbie, où Winehouse, saoule, n’a pas réussi à souffler une note. “Elle a eu une chance de faire un grand come back et elle l’a complètement laissée passer”, commente un présentateur télé dans Amy. Des portraits opposés pour des personnalités similaires… hormis leur sexe.

“Même si les deux morts étaient la conséquence d’une dépression, soutenue par les narcotiques et la célébrité, Montage of Heck dépeint un contexte où le public voulait le succès de Cobain, alors que Winehouse, confrontée aux mêmes problèmes de drogue, n’a eu le droit qu’au ridicule et à la calomnie”, observe Pitchfork.

À l’heure de la postérité, les hommes ont le droit à la gloire et les femmes paient encore leurs heures sombres, et ce “n’est pas nouveau”, souligne Pitchfork. Déjà Janis Joplin était qualifiée de “marginale” au“comportement explosif” par le New York Times, à sa mort en 1970. La même année, Jimi Hendrix s’éteint. Pourtant connu pour son usage abusif d’alcool et de LSD, les titres n’évoquent son nom que pour glorifier le“flamboyant performeur”, connu pour son “style voluptueux”.

Cette différence de traitement s’expliquerait par l’image puritaine de la femme-mère. Cette idée que les femmes, parce qu’elles sont capables d’enfanter, ne pourront jamais, ou en tout cas ne devraient pas, s’investir dans l’art autant que les hommes. Selon un historien de l’art interrogé parPitchfork :

“Les femmes qui vivent de l’art et font passer leur art avant leur famille, sont vues comme égoïstes, alors que les hommes qui font la même chose, sont considérés comme des génies débordés par leur travail.”

Outre les névroses, les femmes sont aussi discriminées par rapport à leur corps, à l’image de Beyoncé. À l’approche du “Madonna’s age”, la chanteuse s’est lancée dans un régime pour garder la ligne. Des considérations qui ne touchent pas les hommes à l’image d’AC/DC ou de Bono. “Nous martyrisons les femmes parce que nous avons peur de celles qui vivent au-delà des limites”, conclut Pitchfork.

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