Créer avec «rien», nouveau défi de Marina Abramovic

L’artiste serbe Marina Abramovic s’est donné exactement 512 heures pour découvrir «comment faire de l’art à partir de rien», lors d’une expérience dans une galerie londonienne vide où ni elle ni le public ne sait encore ce qui va se passer.

En entrant dans la galerie Serpentine, située dans Hyde Park, on pense un instant s’être trompé de lieu. Ni peinture, ni sculpture, ni photographie n’ornent les murs blancs, juste une série de petits casiers gris, similaires à ceux d’une piscine municipale.

Les consignes distribuées aux visiteurs sont claires: «Il vous est demandé de laisser tous vos sacs, manteaux et appareils électroniques dans les casiers». Aucun objet, surtout pas un téléphone portable, ne doit venir perturber cette performance qui se concentre uniquement sur «la transmission d’énergie entre le public et l’artiste», précise Marina Abramovic.

Rien, sauf le public

À compter de mercredi, pendant huit heures sans interruption, six jours sur sept, l’artiste de 67 ans essaiera de montrer «comment faire de l’art avec rien» puisque, selon elle, «l’art est une question d’énergie et l’énergie est invisible».

Son principal matériel sera le public, qu’elle redoute un peu: «Le public britannique est différent, vous êtes cynique et vous buvez trop le week-end», lance-t-elle à l’assemblée de journalistes.

L’artiste, qui par le passé s’était elle-même surnommée la «grand-mère de l’Art performance», a le sentiment de se mettre en danger. «Je pense que je repousse ici mes limites. Je ne pourrais rien faire de plus radical que ce que je suis en train de faire et je suis terrifiée», confie Marina Abramovic.

«Dans cette pièce, il est question de risque, et j’inclus totalement l’éventualité d’échouer». En cas de perte d’énergie, «le public le sentirait immédiatement et s’en irait», craint-elle.

Créer à partir de rien ne signifie pas ne rien laisser derrière elle. Chaque fin de journée sera ponctuée par un rapport de l’artiste, face caméra, qui sera ensuite mis en ligne sur un site internet.

Les visiteurs devront eux aussi confier leurs émotions, sur une feuille de papier qui sera photographiée avant qu’ils ne quittent la galerie.

La pièce expérimentale 512 Hours, qui sera présentée du 11 juin au 25 août, est la première performance de Marina Abramovic depuis sa très remarquée rétrospective – The Artist is Present – au Musée d’art moderne de New York. Pendant trois mois, l’artiste était restée complètement silencieuse face au public, qu’elle ne faisait que fixer, créant ainsi une interaction par le regard.

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