LA « GRAND-MÈRE » DE L’ARGENTINE RETROUVE SON PETIT-FILS

Après 36 ans de recherches, une grand-mère de la « place de Mai », une ONG chargée de retrouver les enfants volés pendant le dictature militaire en Argentine, a retrouvé son petit-fils.

 Il s’appelle Giudo. Il a vu le jour en juin 1978 dans une prison où sa mère, Laura de Carlotto, avait été enfermée quelques mois plus tôt par la dictature militaire argentine. Peu après la naissance de son garçon, Laura Carlotto a été torturée et exécutée d’une balle dans la tête. L’enfant n’avait jamais été rendu à sa famille. Durant 35 ans, sa grand-mère, Estela de Carlotto, une grande activiste argentine fondatrice des «Grands-mères de la place de Mai» a remué ciel et terre pour le retrouver. Sa quête a pris fin mardi. «C’est un cadeau inestimable que vient de me faire la vie. Maintenant, j’ai mes 14 petits-enfants avec moi, a confié, émue, cette dame de 83 ans au journal « La Nacion ». Je ne voulais pas mourir sans l’avoir serré dans mes bras.»

Le 21 juin, l’homme, aujourd’hui âgé de 36 ans, s’est présenté aux bureaux de l’association de sa grand-mère pour effectuer des tests ADN. Depuis des années, il gardait secret ses doutes sur ses origines. «Le résultat est positif. Nous avons trouvé mon neveu», a annoncé Guido Carlotto, le frère de Laura. Après la mort de sa mère, et de son père, Oscar Montoya lui aussi opposant à la dictature, le bébé a été rebaptisé Ignacio Hurban et confié à une nouvelle famille. Il est aujourd’hui pianiste et directeur d’une école de musique dans la province de Buenos Aires. «Que Laura, qui est au ciel, soit heureuse. Elle peut me dire : Maman, tu as gagné une grande bataille!», a confié celle que l’on surnomme la «grand-mère de l’Argentine» après la divulgation des résultats. «Nous ne connaissons pas encore toute l’histoire, a-t-elle ajouté, mais c’est un bon garçon. Un artiste. Et c’est lui qui m’a retrouvée». Elle devrait faire sa connaissance dans les prochains jours.

114 ENFANTS DISPARUS ONT ÉTÉ RETROUVÉS

Un an après le coup d’État de mars 1976 qui a plongé l’Argentine dans la dictature, Estela de Carlotto a fondé «Les Grands-mères de la place de Mai» pour retrouver les enfants d’opposants volés à leur famille pour les confier à des partisans du régime, notamment des militaires. Environ 30 000 Argentins ont été abattus ou portés disparus pendant cette «sale guerre», et les «grands-mères» estiment à 500 le nombre de bébés enlevés ou nés en détention jusqu’aux dernières heures de la junte en 1983.

En 2012, les anciens dictateurs Reynaldo Bignone et Jorge Videla ont été condamnés respectivement à 15 et 50 ans de prison pour l’enlèvement systématique des bébés des opposants tués. Alors que le premier purge sa peine, Jorge Videla est mort en détention en 2013 à 87 ans.

Grâce au travail minutieux de l’ONG, une banque nationale de données génétique a été mise en place à la fin des années 1980. Elle contient les informations génétiques de toutes les familles de ces enfants disparus. Les personnes souhaitant retrouver leur famille, verra son ADN comparer avec celui des grands-parents, oncles, frères et sœurs ou parents, lorsqu’ils sont toujours en vie, des familles dont un proche a été enlevé. Cette banque de données exceptionnelle a permis à 114 enfants disparus à cette époque sombre de l’histoire argentine de reprendre contact avec leur famille biologique.

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