Iran : Il faut empêcher l’exécution d’une femme

Les autorités judiciaires iraniennes devraient annuler la condamnation à mort de Reyhaneh Jabbari et s’assurer qu’elle bénéficie d’un procès équitable, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Cette femme a été reconnue coupable du meurtre d’un homme plus âgé qu’elle, dans ce qu’elle a affirmé être un cas de légitime défense. Le 29 septembre, les autorités pénitentiaires l’ont transférée sans explication dans une prison à l’ouest de Téhéran, ce qui a fait craindre l’imminence de son exécution, mais elle a ensuite été ramenée dans sa cellule de prison d’origine pendant la nuit.

Reyhaneh Jabbari a été arrêtée en 2007 et condamnée à mort en 2009 par un tribunal pénal de Téhéran pour le meurtre de Morteza Abdolali Sarbandi, un médecin et ancien employé du ministère des Renseignements. Plus tard en 2009, la Cour suprême a confirmé la peine de mort. Reyhaneh Jabbari a admis avoir poignardé Sarbandi dans le cou, mais elle affirme qu’il a tenté de l’agresser sexuellement. Elle a également déclaré qu’une troisième personne se trouvant dans la pièce pouvait avoir causé la mort de Sarbandi. Les avocats de Jabbari soutiennent que les autorités judiciaires n’ont pas correctement enquêté sur la cause du décès de Sarbandi, et qu’elles ont privé leur cliente d’un procès équitable. Le parquet de Téhéran avait été saisi de l’affaire.

« À la lumière des graves questions de fond et de procédure soulevées dans cette affaire, et du fait qu’elle est encore en cours instruction, les autorités iraniennes risquent de se rendre complices de dommages irréversibles si elles exécutent Reyhaneh Jabbari », a averti Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Le pouvoir judiciaire iranien devrait immédiatement revenir sur sa condamnation à mort et lui accorder un nouveau procès équitable. »

Sholeh Pakravan, la mère de Reyhaneh Jabbari, a déclaré à Human Rights Watch que le 28 septembre 2014, les autorités de la prison lui ont permis ainsi qu’à l’avocat de sa fille de s’entretenir avec elle. Elles se sont rencontrées à la prison de Gharchak, également connue sous le nom de prison de Shahr-e Rey, à Varamin, à 55 kilomètres au sud de Téhéran. Sholeh Pakravan a ajouté avoir appris le lendemain que les autorités pénitentiaires avaient transféré sa fille à la prison de Rajai Shahr, à Karaj, et prévoyaient de l’exécuter tôt dans la journée du 30 septembre. Sholeh Pakravan a indiqué que des sources à l’intérieur des deux prisons, notamment des employés, l’ont informée de l’exécution imminente de sa fille.

Sholeh Pakravan a déclaré à Human Rights Watch que le parquet de Téhéran avait examiné le dossier de sa fille, et que les autorités ne l’avaient pas informée, non plus que l’avocat, qu’elles avaient l’intention de l’exécuter. La loi iranienne exige des autorités judiciaires qu’elles informent les avocats et les membres de la famille préalablement à une exécution.

Sholeh Pakravan a expliqué qu’elle s’était ensuite rendue en compagnie d’autres personnes à la prison de Rajai Shahr pour en savoir davantage sur l’endroit où se trouvait sa fille et sur son état. Les organes de presse officiels et semi-officiels ont déclaré, cependant, que « des sources judiciaires informées » anonymes ont nié que les autorités avaient transféré Reyhaneh Jabbari à la prison de Rajai Shahr, ou qu’ils avaient l’intention de l’exécuter.

Une source proche de l’affaire a déclaré à Human Rights Watch dans la matinée du 30 septembre que Reyhaneh Jabbari avait contacté sa mère quelques heures auparavant depuis la prison de Gharchak pour lui dire qu’elle allait bien, et que le projet de son exécution était provisoirement suspendu. Une autre source bien informée a indiqué que les autorités ont présenté des documents à la famille montrant qu’elles avaient transféré Reyhaneh Jabbari à la prison de Gharchak le 29 septembre.

Sholeh Pakravan a affirmé qu’aucun fonctionnaire ne l’avait informée, ni elle ni sa famille, que l’ordre d’exécution avait été suspendu, et elle pense que la vie de sa fille est toujours en danger imminent. La justice iranienne a précédemment suspendu l’ordre d’exécution à son encontre en avril 2014 pour examiner la déclaration de culpabilité et la condamnation à mort.

Mohamed Ali Jedari Foroughi, avocat de Reyhaneh Jabbari jusqu’à récemment, a confié à Human Rights Watch que pendant les six mois qu’il s’est occupé de cette affaire, les autorités de la prison ne lui ont permis de lui rendre visite que deux fois. Il a affirmé que les magistrats l’ont empêché de compulser le dossier tandis que le parquet de Téhéran l’examinait en dépit des questions et des ambiguïtés graves sur la cause de la mort de Sarbandi. Selon d’autres rapports, les autorités ont placé Reyhaneh Jabbari en cellule d’isolement pendant deux mois immédiatement après son arrestation, et lui ont refusé l’accès à un avocat ou à sa famille.

Selon la loi iranienne, dans les affaires de meurtre, les membres de la famille de la victime conservent le droit de demander réparation en nature, d’octroyer leur pardon à l’assassin présumé, ou d’accepter une compensation en échange de l’abandon du droit de demander réparation. La famille de Morteza Sarbandi a toutefois refusé d’accorder son pardon à Reyhaneh Jabbari. En 2014, le pouvoir judiciaire iranien a exécuté au moins 500 prisonniers, sur des accusations de meurtre pour un grand nombre d’entre eux, selon des organisations de défense des droits humains.

Human Rights Watch a appelé le pouvoir judiciaire iranien à imposer un moratoire sur toutes les exécutions dans le pays, en raison de graves préoccupations au sujet de violations substantielles et de procédure régulière conduisant à l’application par l’Iran de la peine de mort. Human Rights Watch s’oppose en toutes circonstances à la peine de mort, en tant que châtiment inhumain de nature irréversible.

« Il est inadmissible que, en plus de supporter la douleur de voir leur fille dans le couloir de la mort, les parents de Jabbari doivent également faire face à un système judiciaire qui refuse de respecter ses propres règles et omet de leur fournir des informations claires et suffisantes en ce qui concerne son état », a conclu Joe Stork.

Wn.com

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