La Grève féministe et des femmes* en Suisse le 14 juin 2019

Rapport de Geneviève de Rham sur l’expérience de la grève féministe suisse, lors  du meeting  du 29/11/2019 qui s’est tenu a la Faculté de droit  d’Athènes.
Traduit par Rania Papageorgiou pour L’Assemblée du 8 mars.

Geneviève de Rham  est  physiothérapeute. Elle travaillait  à l’hôpital public durant 40 ans. Dès la première heure, déjà en 1990,  elle a participé à la mobilisation du  personnel hospitalier qui a impulsé  la première grève des femmes en Suisse en 1991.
Toute au long des années 2000 elle était  toujours en première ligne pour organiser le  mouvement de résistance contre leurs attaques néolibérales en Suisse.
Ces expériences ont abouti  le 14 Juin  2019 à  construire la plus grande grève des femmes, c’était une  première historique.   1.500.000 personnes ont participé activement au  niveau  local et national.
Elle est présidente  de la section vaudoise du Syndicat de la fonction publique, et depuis de nombreuses années, elle est membre du Mouvement pour le Socialisme.
Aujourd’hui à la retraite,  elle est toujours  active dans les luttes.

Comment ce mouvement a-t-il été lancé ?
Au début 2018, le Congrès des femmes de l’Union Syndicale Suisse (USS, organisation faitière des syndicats en Suisse) constate que l’égalité stagne, que le sexisme ordinaire et le harcèlement sexuel pourrissent la vie des femmes, que les conditions de travail se durcissent et que la double journée de travail s’alourdit au fur et à mesure que les services publics maigrissent.
Les 250 femmes syndicalistes présentes à ce Congrès refusent de se décourager ; s’appuyant sur le renouveau du mouvement féministe international, elles mandatent l’USS pour organiser une manifestation nationale pour l’égalité en septembre 2018 et pour préparer dès maintenant une mobilisation des femmes pouvant aller jusqu’ à une grève des femmes. La proposition d’organiser cette grève a été faite par la Commission femmes du Syndicat des Services Publics (SSP), syndicat dont 55% des membres sont des femmes. Notre commission des femmes avait tenu bon en 2017 pour refuser une réforme des retraites comprenant l’augmentation de l’âge de la retraite pour les femmes de 64 à 65 ans (pour les hommes, l’âge de retraite est 65 ans).
Cette réforme avait divisé le mouvement syndical ; elle a été refusée en votation populaire, notamment grâce au vote des femmes. Cette victoire nous a incitées à proposer une position combative au congrès des femmes de l’USS. Une fois les décisions prises par le Congrès des femmes de l’USS, pendant tout le printemps 2018, nous avons mobilisé pour la manifestation nationale pour l’égalité au mois de septembre, qui a été un succès avec plus de 20’000 personnes. Parallèlement, nous avons commencé à réfléchir à l’organisation d’une grève des femmes en 2019. La grève féministe dans l’Etat espagnol a boosté notre envie de faire nous aussi une grève. Bien qu’au départ l’objectif paraissait hors de notre portée, nous avons décidé de tout mettre en œuvre pour organiser une grève féministe en Suisse.

Une rencontre décisive : Vers en grève des femmes en Suisse en 2019?
Organiser une grève féministe au pays de la paix du travail n’est pas une mince affaire. Nous le savions et nous savions que pour réussir il fallait sortir des sentiers battus, élargir notre horizon au-delà des syndicats, impliquer toutes les forces vives du féminisme, mais aussi mobiliser les femmes « non organisées », c’est-à-dire la majorité des femmes. Quelques-unes d’entre nous avons alors pris l’initiative d’inviter les femmes que nous connaissions, actives dans les réseaux militants, syndicalistes, féministes, organisées politiquement ou pas, à venir discuter du thème : Vers une grève féministe en Suisse en 2019 ?
C’est ainsi que le 2 juin 2018, nous nous sommes retrouvées environ 150 femmes très motivées. Et après discussion, nous avons décidé de nous lancer pour l’organisation de cette grève. La première chose à choisir, c’était la date. Il y avait deux possibilités : soit le 8 mars, soit le 14 juin. Le 8 mars aurait marqué l’insertion de la grève dans le mouvement féministe international. Mais nous avons choisi le 14 juin, afin d’inscrire cet appel à la grève dans l’histoire des luttes féministes en Suisse. Le 14 juin 1991, il y avait déjà eu une grève des femmes appelée par l’Union syndicale suisse et portée par de nombreux collectifs féministes.
Le succès de cette grève avait donné un élan pour obtenir dans les années qui ont suivi une Loi sur l’Égalité (1996), pour améliorer la pension de retraite des femmes (1997), pour dépénaliser l’avortement (2002) et pour obtenir un congé-maternité de 14 semaines (2005). Mais, depuis lors, il n’y a plus eu aucune avancée légale pour les droits des femmes.
Nous avons aussi discuté du nom à donner à la grève : « féministe » ou « des femmes » ?Certaines estimaient que le terme « féministe » allait faire fuir les femmes ; d’autres pensaient que le mot « femmes » allait exclure des personnes appartenant à des minorités de genre ou des hommes solidaires. Pour éviter de nous diviser sur cette question, nous avons gardé les deux qualificatifs, en ajoutant un astérisque à des femmes* pour tenir compte des minorités de genre. Nous avons précisé que notre grève n’était pas contre les hommes, mais contre un système de domination masculine qui avait fait son temps.
Nous avons décidé de créer des collectifs, réservés aux femmes*, partout où c’était possible… Nous avons contacté des féministes et des femmes syndicalistes pour élargir le mouvement à la région germanophone et italophone. En septembre, ce sont tenu des assises en Suisse alémanique. Très vite des collectifs ont été mis sur pied un peu partout dans le pays, chaque région avec son tempo. Nous avons aussi créé une coordination nationale afin de donner une dimension nationale à notre mobilisation.

Le Manifeste pour la grève féministe et des femmes*
Nous nous en sommes inspirées pour élaborer notre propre manifeste. Le Manifeste pour la Grève féministe et des femmes* a été élaboré collectivement et discuté dans les collectifs francophones, complété, amendé dans un processus qui a duré quelques mois. Ce Manifeste expose les inégalités, les discriminations et les oppressions qui visent les femmes dans la vie quotidienne en Suisse.La raison d’être de ce Manifeste est de présenter ce qui motive la grève féministe et des femmes*, et d’avancer des revendications. Son objectif est de stimuler des discussions, des prises de conscience individuelles et collectives et de nourrir ainsi les mobilisations nécessaires pour aller vers la grève. Ce Manifeste est rédigé en termes simples, pour s’adresser à toutes les femmes. Nous avons renoncé à aligner des chiffres pour « prouver » les discriminations et avons privilégié une rédaction partant du point de vue des femmes ordinaires.Il a été traduit en grec et vous pourrez ainsi facilement en prendre connaissance directement.

Nous nous en sommes inspirées pour élaborer notre propre manifeste. Le Manifeste pour la Grève féministe et des femmes* a été élaboré collectivement et discuté dans les collectifs francophones, complété, amendé dans un processus qui a duré quelques mois. Ce Manifeste expose les inégalités, les discriminations et les oppressions qui visent les femmes dans la vie quotidienne en Suisse.La raison d’être de ce Manifeste est de présenter ce qui motive la grève féministe et des femmes*, et d’avancer des revendications. Son objectif est de stimuler des discussions, des prises de conscience individuelles et collectives et de nourrirainsi les mobilisations nécessaires pour aller vers la grève. Ce Manifeste est rédigé en termes simples, pour s’adresser à toutes les femmes. Nous avons renoncé à aligner des chiffres pour « prouver » les discriminations et avons privilégié une rédaction partant du point de vue des femmes ordinaires.Il a été traduit en grec et vous pourrez ainsi facilement en prendre connaissance directement.

L’organisation de la grève se fait dans des structures à adhésion individuelle, les collectifs, qui n’existaient pas avant. Ils rassemblent des femmes qui – pour certaines – n’avaient jamais eu d’activités militantes.Nous avons parié sur la capacité d’auto-organisation des femmes, ce qui a permis de construire un mouvement vivace, inventif, très horizontal et très large. Nous avons tout fait pour porter ensemble la mobilisation, pour ne pas la personnaliser, ce qui n’a pas toujours été simple, notamment face aux médias.

Au départ, de nombreuses soirées ont été organisées autour de la grève des femmes de 1991, rassemblant des femmes plus âgées et des jeunes. Des militantes comme moi, qui avait participé à la grève des femmes du 14 juin 1991, avons parlé de ce qui s’était passé, de pourquoi et comment nous avions fait grève à l’époque. En quelques semaines, nous avons transmis la mémoire du mouvement féministe en Suisse entre les générations. Les plus jeunes se sont approprié cette histoire, ce qui les a fortifiées pour construire la grève du 14 juin 2019.

Le rôle des commissions féminines dans les syndicats
En novembre 2018, c’est dans le Syndicat des Services publics que la mobilisation se précise : deux représentantes espagnoles sont invitées pour présenter leur grève féministe lors de la Conférence des femmes. La perspective de la grève est ensuite concrètement discutée entre les 150 femmes présentes, en se centrant sur les différents secteurs des services publics (enseignement, travail social, santé, soins aux personnes âgées, etc…). A la fin de cette conférence, il y a mille idées de ce qu’on pourrait faire, les relations possibles avec les usager-e-s des services publics, les parents d’élèves, les collectifs locaux, etc. La grève féministe et des femmes* commence à prendre forme concrètement. Enfin, en décembre 2018, le Congrès de l’Union Syndicale Suisse ratifie officiellement l’appel à la grève pour le 14 juin.

Le développement de la mobilisation pour la grève du 14 juin
A partir de ce moment, l’idée de la grève féministe fait son chemin dans l’espace public. Des collectifs se multiplient dans des quartiers, de petites villes, dans les Universités, les écoles, sur des lieux de travail, partout ! Les discussions autour du Manifeste provoquent l’élaboration de cahiers de revendications plus spécifiques aux problématiques rencontrées, par exemple dans la formation, dans la politique locale, dans la recherche universitaire, dans les hôpitaux et établissements pour personnes âgées.

Le Manifeste est officiellement présenté en Suisse romande le 14 janvier 2019, cinq mois avant la grève, et publié intégralement dans un quotidien indépendant, dont les journalistes avaient participé aux Assises le 2 juin 2018. Ce Manifeste est ensuite très largement distribué sous forme de tract le 8 mars 2019. Le texte est très bien reçu par les femmes : on retrouvera ensuite son contenu, réapproprié par les manifestantes, sur des pancartes, dans des paroles de chanson ou de slogan. Son contenu entre en écho avec les préoccupations des femmes : le fait qu’il affirme : « c’est la société qu’il faut changer, pas les femmes », qu’il appelle à un changement radical et ne se contente pas de mesures concrètes et « réalistes » est un élément vraiment mobilisateur.

Ce caractère radical est alors vigoureusement combattu par les féministes de droite qui dénoncent le manifeste comme « projet des femmes de la gauche et des syndicats », projet qui les exclut, ce qui est inacceptable à leurs yeux. Les collectifs répondent en affirmant qu’aucune opération de marketing politique ne se cache derrière notre mouvement, mais juste la réalité de nos vies de femmes. Et si on reproche aux collectifs de critiquer l’économie capitaliste parce que nous voulons mettre au centre de nos préoccupations et de nos actions l’être humain, l’équilibre écologique et la vie en lieu et place de l’argent et du profit, alors nous sommes d’accord d’assumer cette critique. Les collectifs réaffirment que la grève féministe et des femmes* du 14 juin 2019 se fera avec toutes celles qui veulent y participer.

Un appel national à la grève pour le 14 juin

Le 10 mars 2019, la coordination des collectifs organise à Bienne une rencontre pour lancer l’appel national à la grève pour le 14 juin 2019. Cette rencontre est un succès : cinq cents femmes se retrouvent, provenant de toutes les régions de Suisse. Elles sont motivées, déterminées à tout faire pour que la grève du 14 juin soit la plus massive possible.

Un Appel s’inspirant du Manifeste, mais plus court, est discuté et voté. Puis il est lu collectivement en plusieurs langues par 17 femmes présentes dans la salle, en guise de conférence de presse. C’était un moment d’une grande intensité !
Deux moments communs sont décidés pour le 14 juin : à 11 h. du matin et à 15 h.24, (soit l’heure symbolique qui marque la différence de salaire entre femmes et hommes) pour donner une unité et une force commune à toutes les actions qui se passeront de manière décentralisée.

Les réactions du patronat
La semaine suivante, la presse attaque sous le titre : «Le patronat ne veut pas de grève des femmes». Les collectifs répondent publiquement que la grève est un droit fondamental dans une société démocratique. Nous réaffirmons notre droit de faire grève en tant que travailleuses, mais aussi notre droit de réinventer la grève pour qu’elle prenne des formes multiples : sur le lieu de travail, sur notre lieu de vie, dans la rue.

Nous croiserons les bras partout où nous serons, chacune à sa façon. Ce qui est illicite, ce sont les inégalités de salaire, les licenciements de femmes enceintes ou qui reviennent de leur congé maternité, le harcèlement sexuel et toutes les discriminations basées sur le sexe ou l’identité de genre auxquelles nous sommes confrontés tout au long de notre vie. Pas notre grève. »

Un mouvement qui s’amplifie
La mobilisation pour la grève le 14 juin prend de l’ampleur au point que des employeurs et des collectivités publiques déclarent que « les femmes qui travaillent peuvent demander congé pour le 14 juin », cherchant ainsi à contrôler ce qui va se passer ce jour-là. Mais le résultat, c’est que l’appel à la grève s’étend encore plus, s’infiltrant jusque dans la planification des activités quotidiennes.
Par exemple, des parents s’informent pour savoir si la garderie d’enfants ou l’école sera en grève le 14 juin. Des mères décident de ne pas envoyer leurs enfants à l’école ce jour-là car les elles veulent que leurs enfants – filles ou garçons – participent aux activités du 14 juin, qu’elles anticipent comme une journée historique. Ceci légitime en retour les enseignantes qui veulent faire grève et renforce le mouvement. Les femmes paysannes annoncent qu’elles participeront à la grève en portant leurs propres revendications ; les femmes catholiques et protestantes aussi. Même les Business Professionnal Women affirment comprendre les revendications féministes, tout ne partageant évidemment pas l’appel à grève.

Alors les attaques se déplacent sur un autre terrain. La presse titre que la grève est contre les hommes. A nouveau nous réagissons publiquement, affirmant que la grève féministe et des femmes* n’est pas contre les hommes, mais contre un système patriarcal qui a fait son temps. Nous invitons encore une fois les hommes solidaires à s’engager pour permettre aux femmes de participer à la grève.

Deux jours avant la grève, la Télévision publique programme un débat « Une grève, et après ? » sans y inviter aucune représentante des collectifs. C’est une tentative de ramener le débat dans les chemins connus d’une politique institutionnelle dont le but est justement de ne rien changer. Une tempête de protestation sur les réseaux sociaux oblige la Télévision à donner la parole pour deux minutes à une représentante des collectifs qui lit une déclaration, puis quitte l’émission.

Une journée historique
Jamais la Suisse n’a connu de mobilisations aussi massives. Un demi-million de femmes et d’hommes solidaires participent aux manifestations en fin d’après-midi partout en Suisse. Dans toutes les villes, ce sont les plus grandes manifestations de rue de tous les temps !

S’y ajoutent des dizaines de milliers de femmes qui se regroupent la nuit ou la journée dans actions qui ont eu lieu un peu partout sur les lieux de travail, les lieux de formation, les places au centre des villes, dans des villages et des quartiers. Partout les femmes se regroupent pour revendiquer l’égalité et dire haut et fort, en slogans et en chansons, que nous en avons assez ! Assez des inégalités. Assez des discriminations ! Assez de la violence machiste !

Les femmes unissent leurs voix, souvent avec une émotion profonde, dans un élan de sororité rarement vu. Fières d’être femmes. Fières d’être féministes.
Ce mot, FEMINISTE, que beaucoup ne pouvaient prononcer avant tellement il avait été décrié, s’est libéré et permet à des dizaines de milliers femmes d’exprimer cette volonté commune de lutter pour nos droits, pour nos libertés, pour le respect de nos corps et de nos vies. On parle de l’ampleur des inégalités salariales, des rentes trop basses pour les retraitées, du scandale des femmes qui perdent leur emploi pendant ou après la grossesse, ou encore du drame des violences sexistes. Cette prise de conscience touche des centaines de milliers de femmes, y compris de nombreuses journalistes qui suivent la grève.

Sur les lieux de travail, des cahiers de revendications réclament des mesures comme la valorisation des métiers féminins, la réintégration du personnel de nettoyage dans le public, le respect d’horaires de travail compatibles avec la vie familiale et privée, ou encore une retraite à 60 ans pour le personnel de la santé.

Les résultats de cette grève
Beaucoup de jeunes femmes ont participé à la mobilisation pour la grève féministe et des femmes* sur leurs lieux de formation, dans les écoles et les universités. Il y a un foisonnement d’activités, de groupes de travail et de mobilisations, en partie en lien avec la grève des jeunes pour le climat ( novembre ; un appel à la grève pour le – dimanche – 8 mars 2020.
Beaucoup de jeunes femmes ont participé à la mobilisation pour la grève féministe et des femmes* sur leurs lieux de formation, dans les écoles et les universités. Il y aun foisonnement d’activités, de groupes de travail et de mobilisations, en partie en lien avec la grève des jeunes pour le climat (Fridays for Future).

Cette effervescence est impressionnante, mais nous pose le défi de canaliser les énergies pour réussir de nouvelles mobilisations. La grève féministe, unie à la grève des jeunes pour le climat, a fait bouger les lignes politiques en Suisse. Certes les grands rapports de forces n’ont pas réellement changé et la majorité politique en Suisse reste très libérale. Mais la scène politique se modifie, notamment lors des élections fédérales. Alors que la droite avait dominé les élections de 2015, portant avec dureté le thème de la migration et de l’asile, cette année les questions féministes et écologiques ont relégué les politiques racistes à l’arrière-plan de la campagne pour les élections fédérales d’octobre 2019.
Les citoyennes et les citoyens ont voté davantage vert et femmes. Au Parlement, la part des femmes est passée de 32 à 42% … Si nous ne savons pas encore quels en seront les effets, c’est clairement un résultat de notre mobilisation et le signe d’une volonté de changement.

Pour le moment, la réponse à nos revendications concrètes est très limitée. Les autorités politiques ont décidé de renforcer la prévention contre les violences sexistes, ce qui est bien. Mais cela ne suffit pas : nous voulons un véritable plan d’urgence au niveau national, avec des mesures qui changent réellement la vie des femmes victimes de violences. Le parlement vient de faire passer le congé paternité de 1 jour à 2 semaines au niveau suisse… c’est très bien, mais les mères continuent à avoir seulement 14 semaines de congé maternité et il n’y a aucune réponse à nos revendications concernant un congé parental et un service public de l’accueil de l’enfance. C’est quand même piquant que la grève féministe et des femmes accouche d’un congé… paternité, non ?

Sous la pression de la grève, recommandation est faite par les autorités d’atteindre 30% de femmes dans les conseils d’administration, ce qui ne changera pas grand-chose pour toutes les femmes qui se sont mobilisées le 14 juin… Si le bilan est maigre en termes de mesures concrètes, la prise de conscience, l’organisation de toutes les femmes qui se sont mobilisées pour la grève le 14 juin continue ! Le réseau qui a été construit va nous permettre de mener des luttes féministes dans les années qui viennent. Et cela sera bien nécessaire, car le ministre socialiste, en charge des assurances sociales, a annoncé une semaine après la grève féministe, un nouveau projet de réforme des retraites qui… veut augmenter l’âge de la retraite des femmes à 65 ans.
Quelles suites après le 14 juin ?
Nous continuerons à nous battre contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes et à revendiquer des mesures urgentes contre la violence machiste, pour l’égalité salariale, pour un congé parental, pour le développement des services publics, pour la diminution du temps de travail sans diminution des salaires, pour la solidarité avec les migrantes, etc… Nos revendications forment un tout et nous ne voulons pas en choisir une au détriment des autres.
Dans le Syndicat des Services publics, cela s’est déjà traduit par un renforcement de la présence des femmes, notamment lors du dernier congrès de novembre. Et par une mobilisation gagnante pour améliorer les salaires pour le personnel (féminin) des homes et hôpitaux dans le canton de Vaud.
La grève féministe et des femmes* a recréé des réseaux militants qui avaient presque disparu depuis les années 2000. La préparation et la journée de grève ont fait émerger une nouvelle génération de féministes, qui pose aussi ses propres revendications très axées sur le corps, l’identité de genre, la liberté et le respect des femmes.
Les collectifs ont collaboré à la rencontre « femmes-migrations-refuge » organisée par la Marche Mondiale des Femmes en septembre 2019 à Genève et soutiennent la plateforme adoptée à cette occasion. Nous avons organisé de nouvelles manifestations et des tables rondes pour dénoncer la violence machiste et les féminicides la semaine passée.
Nous voulons reprendre l’appel à deux heures de grève féministe pour le dimanche 8 mars 2020, en prenant la thématique du temps de femmes.Nous voulons rendre visible le temps de travail que les femmes assument, de manière gratuite ou sous-payée, pour le travail de care (soins et attention aux autres).
Le dimanche, les hôpitaux, les établissements pour personnes âgées, les restaurants et hôtels ne ferment pas ! Le dimanche, à la maison, les femmes cuisinent, lavent, nettoient, s’occupent de tout ce qui est nécessaire pour la vie.
Nous allons nous rencontrer le 14 décembre pour préparer au niveau suisse nos actions pour le 8 mars 2020. Notre volonté est de continuer de combiner une activité syndicale féministe sur les lieux de travail, avec des apparitions publiques coordonnées des collectifs pour la grève des femmes.
On verra ce que nous arriverons à faire !